La technologie peut-elle nous nuire… ? Et si.

techno bobo v1Chaque grand raout sur l’innovation est désormais l’occasion de « prendre une douche froide » sur le sens qu’elle prend dans l’Histoire contemporaine. Hier la réflexion des « next ten years » prolongeait plus la conférence LeWeb qu’elle ne l’avait vraiment inspiré sur son durant. Aujourd’hui c’est Netexplo qui inquiétait presque ce jour, au fil d’innovations mêlant allègrement digital, data et humain.

I mean : que l’on aborde désormais vraiment la couche profonde du problème, à savoir envisager l’angle négatif voire carrément destructeur de la course technologique.

Ca m’a semblé manquer furieusement aux débats que j’ai suivis à distance sur LeWeb et Netexplo, que justement cette prise de distance sur la perspective enthousiaste des futures années de gaps et bouleversements technologiques. Déjà, pour servir de contre-point en décembre, j’avais collecté et diffusé 10 courts métrages de SF parlants quant à nos futurs possibles. Et pour l’humour, j’avais aussi créé sur Twitter le tag #leweb23 afin d’ imaginer ce que pourrait être vraiment le salon dans 10 ans. Et comment les invités de ce salon nous auraient parlé…

Depuis, j’ai par exemple découvert (grâce à Sylvain Bontoux sur Facebook) une SF d’anticipation qui en parle encore mieux : la série anglaise « Black Mirror« . Sans chercher dans ses histoires des technologies renversantes, elle montre subtilement tant des débords, dérapages, que des emballements risqués pour quelques technologies ou mutations clés. Voici son trailer global, diffusé pour le lancement de la saison 1 en Grande-Bretagne.

Cette série parvient à cibler et percer quelques interstices capitaux, se situant entre notre conscience, nos peurs et une certaine approche prévisionniste de la société. Un côté « et si… » qui sied bien à tenter d’imaginer quelques dérives de l’usage des « NTIC » comme on les nommait hier, et globalement du digital. Par exemple, « et si… nous avions greffée en nous une puce d’enregistrement mémorielle de toute notre vie », comment cela influerait-il sur nos vies ? « Et si… toutes nos actions, efforts étaient convertis en unités d’achat digitalisés ? »; etc, etc.

Fiction dites-vous ? Juste un tweet pris au hasard de Netexplo ce jour :

Etonné de… l’étonnement positiviste

babgi portraitMais il n’y a pas que les forums, conférences et leur naïf enthousiasme scénique. Il y a aussi les écrits plus posés. Comme le billet de Gilles Babinet, titré « Le numérique est-il vraiment schumpéterien ?« , qui précédait la sortie de son livre. En gros, il y détaille la prise de conscience que le développement de la net économie, du digital et des start-ups ne va plus forcément avec une croissance économique de type plein emploi. Pire : que la situation actuelle nous renverrait aux inégalités du passé, mais en pire; où désormais des « hyper riches » s’opposent à des « hypers pauvres ». Tout est « hyper » ou « méga » en métrique digitale…

Je ne discute pas le fond. Mais je suis étonné qu’on écrive ce quasi positivisme là comme ça en 2014 avec la fougue du découvreur de terres inconnues, alors que… la SF l’avait justement prévu depuis bien longtemps. Il n’est pas un roman ou un film qui ne détaille notre société peu à peu modifiée par l’électronique et la robotique, sans plus laisser de place aux humains.

Une des séquences d’Animatrix (le manga en mini épisodes tiré du film des Wachowski) a même imaginé la fin de tout ceci, où une guerre totale opposerait humains et machines, bien décidées à se débarrasser de nous. Ce que la série des Terminator avaient aussi traité au préalable.

Et pour ce qui est d’autres visions d’un futur où oisiveté confine à nos vils instincts, tout en maintenant une quête de la perfection technologistique, voyons « Mondwest » (1973). En y ajoutant la problématique de la gestion du nombre, on tombe sur Logan’s Run (1976). Et pour la question de nourrir les masses, Soleil Vert (1973) est assez explicite je crois.

Les années 70-80 ne sont pas cela dit les seules à avoir eu cette approche de critique sociale des technologies. Dans les années 2000, le « A.I » de Spielberg nous a montré la robotique de service pour les humains, et ce que nous serions capables d’en faire. Critique qui a sans doute inspiré depuis la série nordique « Real humans »…

Non Gilles, franchement, il faut réviser ses classiques de SF et voir ses nouveaux prolongements. Car ils disent tous la même chose : la technologie ne nous sauvera pas; pire même, elle créera de nouvelles contraintes socio-économiques voire des fractures inédites. Dans le récent film Elyseum, la technologie produit même une nouvelle élite qui part se protéger de la fange humaine, dans une station orbitale autour de la Terre… Dans ce film, on a inventé notamment les « medibox » qui équipent chaque maison cossue et peuvent sauver de toutes les maladies ou blessures. Elles sont dés lors réservées… qu’à quelques-uns. Un peu comme ce que projette Netexplo ce jour, avec l’évolution d’imprimantes 3D capables de sortir… de la peau humaine et des os !

Dès lors que faire ? Refuser la tyrannie de l’instant

Peut être s’agit-il de réinjecter dans la société une pédagogie et une pratique de l’Histoire et de la mémoire. Car la leçon de l’histoire nous amène à réfléchir systématiquement aux conséquences futures de nos choix actuels, et pour être capable de se projeter avec des prévisions fiables.

Des prévisionnistes et futurologues devraient être plus systématiquement employés, et injectés dans les rouages des grands plans d’investissement pour l’avenir. Et même dès les premiers balbutiements des circuits de financement ou de communication (comme les salons). Ce afin de bien anticiper les effets demain de nos actions présentes. Et aussi de ne pas laisser cette discipline aux seules mains des as du marketing : comme aujourd’hui Samsung, ou hier Microsoft.

doligé portraitPlus globalement, il faut parler franc et clair, se débarrasser de tout un jargon marketing et conquérant qui ne sert qu’à s’auto-entretenir dans un rêve éveillé. Un peu comme Emery Doligé début janvier sur son blog Choses vues. Dans la note « et si les apôtres du progrès technologiques oubliaient l’essentiel ?« , il dit des choses très justes comme :

« au-delà de l’évidente tyrannie du neuf imposée par la publicité voire la mode, si l’innovation peut être bonne pour la construction d’une place sur un marché à court terme, à moyen et long terme, elle oblige à courir après une nouvelle innovation pour consolider sa position. C’est donc une fuite en avant sans réelle construction, sauf si, au sens organique, il y a un bénéfice humain immédiat. »

Si je me et nous résume, ramenons l’innovation à ce qu’elle est : un simple « outil », pour « faire des choses ». Et n’anticipons pas sur son caractère forcément positif et vital, ni ne cédons à son culte de l’instantané. Beaucoup d’innovations -une fois séché le vernis de la nouveauté- cachent des buts moins avouables. Pour ne citer que les plus récentes : la gratuité de l’accès à de nombreux services web impliquent l’abandon et la marchandisation de nos données privées; le sur-équipement en devices mobiles induit notre sur-localisation par l’oeil de Big Brother; etc, etc.

Un domaine à mieux visualiser et maîtriser

french tech headerUne technologie qui n’est qu’un outil et pas une quête de l’Achèvement Sociétal Suprême, c’est aussi une technologie qui sait… mieux s’organiser et fonctionner. Pourquoi ? Parce que la quête supérieure peut être paralysante, stérilisante. Un point essentiel à un moment où la France se donne un label fédérateur (la French Tech) et compte ses forces armées numériques et ses troupes de codeurs. Mission dont s’est vu confié la charge Tariq Krim et qui la cadrait bien dans son intention rappelée il y a quelques mois :

« (…) la France accumule les bourdes technologiques, les projets sans queue ni tête et les gaspillages en millions et parfois même en milliards : Chrorus, Louvois, Dossier médical personnel (…). Pire : elle n’a pas de vision technologique pour sa politique industrielle, ni de projet politique capable de s’appuyer sur ses développeurs pour se réinventer dans le monde numérique. »

Somme toute, la technologie doit donc être remise à sa place : une simple discipline d’activités, dont il faut connaître les tenants et aboutissants, la cartographie mais sans trop en attendre. Elle ne va pas créer de toutes pièces la société de demain, qui sera ce monde que la SF space opera nous vend depuis tant d’années… Laser, hologrammes et télé-transportation ne constituent pas des projets de société ni même des régimes politiques. Ils ne sont au mieux, vu d’ici et de 2014, que des pics nous électrisant pour continuer de rêver et avancer. Ils ne pèseront au mieux que le temps d’un nouveau cycle économique, forcément remplacé par un nouveau, puis un nouveau, etc.

krim portraitMais en revanche, oui, il faut changer de paradigme culturel et sociétal pour savoir mieux la gérer. Il faut « placer le numérique au coeur de la réinvention de ce pays » comme dit Krim. Et passer à une culture d’innovation que détaille si bien Christine Marsant sur Les Echos. Elle en livre le kit cartographique de base, qui pourrait être fourni à tout nouvel entrepreneur, ou à ceux installés pour les former :

« La réussite d’une innovation repose sur la conjonction d’une vision d’entreprise déclinée en stratégie, la veille, les conditions d’émergence de l’innovation et les modalités de fonctionnement humains compatibles en interne avec la souplesse et l’esprit d’intrapreneuriat requis pour réussir les idées élaborées dans les laboratoires de R&D. »

Une réflexion sur “La technologie peut-elle nous nuire… ? Et si.

  1. Nous sommes très loin des IA d ‘ Animatrix , qui sont des animés , les manga c ‘est papier , en fait c ‘est l ‘ inverse , nous avons trop de puissance numérique et nous ne savons pas quoi en faire individuellement , je n ‘ aurais rien contre le fait d ‘ avoir chez moi un cluster de Cray XC-30 , mais pour quoi faire ? nous avons deja la puissance d ‘ un Cray T3E 900 sur nos GPU … qui roupille ou sont non optimisé …. occuppons nous d ‘ abord de cela avant de cauchemardé sur des choses inaccessibles

Laisser un commentaire