Le non-chef éternel de la Ligue du Lol…

Roumbadaboum, tambours et tocsins, trompettes et oriflammes… c’est LE truc de ouf qu’on attendait plus, le scoop absolu. Enfin, enfin oui Vincent Glad répond publiquement (outre les excuses scannées du début) à la polémique/drama de la « Ligue du Lol », plus d’un an après. Via blog et via radio. Mais avant de rentrer dans l’analyse des propos et du fond, je voudrais m’arrêter sur la manière, la forme. Car elle est une fois de plus très signifiante et explicite. Comment le fait-il ? Avec subtilité et souplesse, avec ouverture et adaptabilité ? Non. Avec des tartines de pages et 95204 caractères d’une interminable note sur la plateforme Medium. Oui vous avez bien lu. Ramené à la métrique de presse, c’est comme un papier de 63,5 feuillets. Ce n’est pas la première fois que ces gars s’expriment de la sorte : Alexandre Hervaud avait fait de même sur Medium aussi. Comprendre : « ah tu veux qu’on cause et qu’on s’explique, tu veux qu’on échange, he ben tiens, digère donc çà, prends toi la dose ! » Les caciques du PC brejnevien ne faisaient pas mieux, pour imposer leur autorité à la tribune du parti. Noyer la pensée différente par le volume verbal.

La posture continue dans la même veine légère et empathique. Au micro de Sonia Devillers, il y a quelques jours sur l’Instant M à France Inter, jamais aussi carrée et précise à son endroit (bravo), Glad a un débit rapide, dense, voulant toujours couper l’interviewer en avalant ses mots. Devant lui autour de son micro, plein de papiers annotés et dossiers… comme s’il était en grand oral ou devant un tribunal imaginaire. Un mélange de profil super éveillé et de trop plein d’intentions, façon bien informé et genre « bon vous pouvez pas comprendre, mais je vais tenter de vous expliquer le truc là, à vous les newbies et les old-schools« . Ce n’est peut-être que maladroit, mais c’est très parlant.

Enfin, dernière forme de posture et de « non réponse » pratiquée : la « non citation » en ligne. Je suis sans doute trèèèèèèèèès très secondaire dans ce sujet, mais dans ces plus de 95.000 signes, pas une seule fois mon nom apparaît. Pas plus que ceux de Guy Birenbaum, d’Iris Gaudin, etc, etc. C’est à dire que les détracteurs n’existent pas. Dans mon cas, au bout de 4 notes de blogs (publiées ici) et plusieurs interviews données à la presse (Télérama, Le Point…) c’est comme si je n’avais rien d’important à dire, à faire savoir sur le sujet. Comme si j’étais effacé, pas digne, même pas dans le radar. Je lie ce phénomène étrange à ce qu’il se passe aussi sur la note Wikipedia consacrée à la Ligue du Lol, et dont j’ai déjà alerté la communauté. Sans lien de cause à effet, on découvre sur une affaire voisine en ce moment (Griveaux/Pavleski/Branco) combien l’écriture de bio Wikipedia et de vie rêvée est un enjeu, bien manipulé par certains, avertis, connectés, pratiquants et qui échappe aux utilisateurs dédiés de cette encyclopédie… nous.

En résumé sur la manière : massif, remonté, elliptique. Il y a visiblement du boulot et de l’analyse à faire encore chez les tenants de cette LDL, en terme de communication non verbale, de sens profond et de stratégie de défense. Presque et surtout en terme d’humanité de la chose : ont-ils compris la leçon, ont-ils évolué depuis dans leur vie ? Pas sûr à les écouter.

Glad sur France Inter : nerveux, pressé, voulant imposer sa démonstration… une plaidoirie mal goupillée…

Des paroles à bien relire

J’ai justement écouté donc la vidéo de l’interview sur France Inter. Voici ce à quoi mon oreille a percuté, que je vais remettre en perspective pour prendre un peu de distance. Le format de cette interview n’était certes pas idéal pour Glad (long et ramassé en même temps), il était isolé et sans autre invité, mais les idées émises doivent nous interpeller.

« cette histoire aurait du rester sur Twitter, même vous, vous n’auriez pas du le savoir » : toujours cette façon de classer, compartimenter les choses et les faits, comme si Twitter était au-dessus de la mêlée, en tout cas différent et sans lien avec le reste de la société médiatique… En gros, vous auriez du nous laisser faire nos trucs sur Twitter, ne pas nous enquiquiner et vous y ramener. Une forme plus moderne de « circulez y’a rien à voir » les vieux cons.

« on était les pionniers de l’internet, en tout cas de Twitter » : Guy l’a déjà dit sur son blog et je l’avais expliqué avant ici, ces pionniers étaient nombreux et plus variés. Ca fonctionnait par familles et par meutes, plus que par générations. Surtout, cela s’accélérait furieusement à l’époque, car tout « convergeait » (comme l’aurait vendu un fameux J2M à Vivendi) en même temps : presse en ligne, blogs, réseaux, mobile, nouveaux formats… Ca n’arrêtait pas, il fallait partout à la fois et ne rien louper. Cette précipitation faisait faire des bêtises, c’est sûr.

« entre temps, les codes sociaux ont changé… et c’est normal d’insulter les gens aujourd’hui » : je ne crois pas, le manque de politesse, l’agressivité, la méchanceté restent aisément définissables, sous toute latitude. La façon de les exprimer s’est juste modernisée et digitalisée, à haute dose d’anglicismes comme Glad adore les dire. Le « shitstorm » revient à tout bout de chant dans son propos… A la fois repoussoir et presque, on le sent, outil de représailles de plus, qu’on agite au cas où, pour calmer les détracteurs qui sait…

« les politiques, les journalistes un peu plus anciens sont alors arrivés » : et l’on a dérangé ces messieurs les tweeteurs des premiers temps, le petit club fermé qui avait cru pouvoir privatiser le truc. On découvre donc une approche très territoriale; comme on les développe dans des meutes de prédateurs, ou entre bandes de voyous de quartiers. Une forme de contestation anti pouvoirs établis en fait. « Laissez nous faire la loi dans cet endroit, ça assure la paix sociale on viendra pas casser vos beaux quartiers« . Argument très court de vue.

« moi je suis inculpé dans les médias, à vie, soi disant d’avoir harcelé des gens » : c’est ce « soi-disant » qui gêne… il prouve que le violenteur n’a pas du tout encore conscience, dix ans après les faits, un an après leur révélation… de quoique ce soit, d’une quelconque responsabilité. Et cet argument de sur exposition dans les médias est assez croquignolet pour qui cherche la reconnaissance absolue et à devenir « connu ». Tout ceux qui ont approché le Glad jeune, savent que c’était une tronche, un style, avec une haute opinion de lui-même. Il appartient bien comme les autres loleurs connus à cette Génération Y supérieure mais auto-victimisée qu’un Bret Easton Ellis a si bien décrit par ailleurs. Des gens qui vieillissent aussi, et apprennent au final de la vie.

« on se moquait de tout le monde, des puissants comme des faibles, des stars du réseau, des micros stars » : encore une fois cette notion du classement que lui et lui seul saurait nous proposer, qui serait coulé dans le bronze… Presque une sorte de nihilisme devenant un code social. Une sorte de « nous on est les purs, nous on va se les payer« . Une approche assez dangereuse quand il est lui-même oublieux des principes d’humanisme, de correction et de décence. C’est aussi en écho à ce « dégagisme » qu’on souffre tant dans la politique et la société. Glad est bien le produit de son temps.

« la personne qui avait 4000 followers, c »était énorme à l’époque… mais elle était en fait un peu fragile » : on sent que la logique du compteur s’impose. Ces gars pratiquaient bien la comparaison de longueur de quéquettes et rien d’autre, à haute dose d’analytics, de stats, de métrics en tout genre. Dans un univers où l’audience et le clic fait loi, pas surprenant de voir que la morale ait disparu. C’est ce qu’on obtient quand on forme ou laisse s’installer des putaclics sur pied entraînés comme des commandos de forces spéciales, sur mission « atomise le web et l’info en ligne ».

« un an après on se rend compte que c’est plus compliqué que ça, que c’est un traumatisme entre journalistes qui se sont réglés leurs comptes entre eux » : non, ça c’est Glad qui veut le voir ainsi… il semble penser qu’on lui règle son compte, qu’on enviait sa place, qu’on l’a déboulonné injustement. Au pire, il découvre avec ses petits camarades que ce qu’il a employé à l’époque contre les journalistes/blogueurs/influenceurs qui lui faisaient ombrage… s’est retourné contre lui quelques années plus tard ! La roue tourne et l’on finit toujours par récolter ce que l’on sème. Puissante leçon de vie et de métier, venant avec l’expérience.

« la légende noir de la ligue du lol… tout le monde a reconstruit ses souvenirs à l’aune de la ligue du lol » : ça ce n’est pas tout à fait faux… on avait pas conscience à l’époque d’être attaqué, pris à partie par un groupe coordonné. Mais est-ce parce qu’il n’était pas coordonné ? Ou juste parce qu’il était très discret, voire caché ? Une des victimes m’a rapporté avoir entendu à plusieurs reprises mon nom cité, lors de soirée de bar avec les membres de cette ligue… J’étais l’objet de leur raillerie sur mes fameux tags (#mediabug, #sociobug, #aietech…). Et comme par hasard, quelques jours plus tard, ils m’étrillaient sur Twitter l’air de rien, entre deux remontées acides post digestives.

« il a fallu un an pour que je puisse reprendre la parole, j’avais peur ! » : on peut sourire de cette méthode Calimero et aussi… l’écouter un peu. Oui il n’était pas nécessaire que Glad et sa bande payent le prix fort d’un licenciement. Pour autant, je ne me battrais pas non plus pour leur retrouver un taff dans la presse. Il y a une limite. Mais peut être qu’une sanction publique, officielle, marquée, eut pu être prise pour montrer que les autorités de tutelle compétentes avaient bien pris la mesure des faits. Et surtout qu’ils ne les encourageaient plus à l’avenir.

« j’avais tout oublié… jamais j’aurais imaginé que cette affaire se retrouve à la télé mexicaine » : étonnant pour un gars de l’ère internet et des réseaux sociaux, de dire penser que l’info… ne circule pas dans le monde ! L’effet microcosme une fois encore, sans doute, de se penser dans leur petite bulle médiatique parisienne, en droit d’y faire ce qu’ils voulaient, sans rendre compte ni interpeller l’opinion. Ah bah oui, grande découverte, le mexicain est lui aussi connecté, lui aussi pas trop con et lui aussi avec un avis sur le sujet !

Le bilan (provisoire) de cette tragi-comédie de la presse française laisse un goût amer à la bouche… Des victimes qui n’auront jamais vraie réparation et seront raillées, des auteurs qui se victimisent sans vergogne et théorisent à tout va, des débats stériles incessants et des chefs de meute refusant leur statut tout en souffrant d’une sur-exposition à la fois recherchée mais les dépassant dans cette version négative. Et si on se faisait juste un gros bisou pour passer à autre chose ? Ah pardon, on peut pas de suite… Corona machin.

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