Remplacer Le Grand Journal ? Mes 7 propales à Canal

En bon représentant de la génération X, c’est un doux euphémisme de dire que j’ai été bercé par la culture Canal et notamment ses émissions d’access prime time, et donc à 90% par Le Grand Journal, à la grande époque. J’ai douté d’emblée de la nouvelle formule proposée pourtant par le très qualifié Antoine de Caunes. Mais elle n’a pas péché (au début) que sur son aspect social media… loin s’en faut. La principale erreur est de l’avoir érigée au rang d’Institution Télévisuelle, ce qui freine d’emblée toutes ses évolutions en profondeur.

header LGJ futur

Maintenant, puisqu’il est confirmé que ça ne marche plus assez, que faire d’autre et de pas déjà vu ? Sans prétendre donner des leçons aux responsables et spécialistes en poste, mais sans pour autant retenir des idées (vu les performances de celles testées), j’ai cogité. Pour moi, 7 pistes sont possibles sur des talks des 18-20h. Elles ne sont d’ailleurs pas exclusives les unes par rapport aux autres. Ni parfaites.

Je les structure quand même à chaque fois avec atouts, limites et bonus essentiellement 2.0, c’est à dire dans l’environnement digital. Bien sûr, je n’ai pas tout écrit ici des synopsis travaillés. Qui m’aime… me contacte pour échanger 😉

1/ l’ultra temps réel

Le pitch : C’est la tendance clé dans les médias online depuis plus de deux ans. Le temps réel, l’hyper réactif, les médias sociaux pour couvrir l’info sur l’instant, les stats en continu… Une émission qu’on pourrait appeler « L’Instant + » ou « Ultra Direct » utiliserait ainsi en direct, depuis son plateau, tous les outils basiques de recherche d’infos actuelle : search Google, trends, live-tweet et live-post sur les blogs, applis sur mobile, etc. Et de faire réagir des chroniqueurs sur chaque support, un peu à la manière des Vérificateurs tentés par France 2 sur DPDA.

  • risques : effet foutoire, perte de contrôle
  • atouts : emballement sur le buzz, excitation du participatif en réseaux
  • bonus 2.0 : intégrer la mode de la « data », pour par exemple proposer des infographies animées en clip qui nous montreraient jour par jour ce qui se passe « en 1 minutes » ou « en 24 heures » en France sur tel ou tel sujet.

2/ l’ultra toc

Le pitch : si la chronique du Gorafi est une très bonne expérience menée sur LGJ, elle n’est pas suffisante et sans doute trop jouée… En s’inspirant d’un projet comme Pooble, qui intègre de nombreux autres sites parodiques tels que L’Epique, La Deche du Midi ou encore Branched… on peut donner sa version télé. En une émission qu’on nommerait « La Grande Intox » ou « Infox Tv », qui scannerait l’ensemble des médias parodiques et aussi les manipulations, buzz, intox subis par les grands médias et la com’ classique. Des chroniqueurs experts pourraient aussi y jouer aux « vérificateurs », ou au contraire contribuer au lancement d’intox maison de tout poil à même le dispositif.

  • risques : effet foutoire, risque de sur-dose d’ironie avec le Petit Journal voisin (à rapprocher ?)
  • atouts : rigolade garantie, terrain déjà expérimenté, public réceptif
  • bonus 2.0 : tout une vie propre à créer sur les réseaux sociaux, autour du concept, qui se suffit à lui-même.

3/ l’ultra récap’

Le pitch : pour un show allant de 19h à 20h, on se situe -truisme- à un moment charnière de la journée, une pause dans les foyers et dans nos vies sur-excitées. Du coup l’émission reprendrait systématiquement le fil de chaque heure de la journée, depuis 0h, 1h, 2, etc. jusqu’à 18h. Puis elle finirait en annonçant ce qui va se passer pour les heures restantes de la journée. Titre évident « L’Heure H », avec jingles et musique à la façon de la série « 24 ».

  • risques : aspect répétitif et trop carré du conducteur
  • atouts : organisation structurée et donc anticipable, du moins pour la première partie de l’émission
  • bonus 2.0 : peut changer de curseur avec un « récap’ des récaps » à la semaine, au mois, etc. Des formats complémentaires (newsletters par mail, alertes, tweets…).

4/ le tout intrusif

Le pitch : le concept serait ici… de ne pas en avoir. Ou plutôt d’aller s’installer, hijacker des plateaux d’autres émissions, des animateurs concurrents, des médias alternatifs à la tv… pour tourner la sienne propre « dans l’esprit de ». Soit avec des émissions actuelles, soit avec des émissions anciennes et/ou abandonnées, soit avec des projets à venir qui ont fuité. Titre de travail : « L’install' », ou « La Grande Manip ».

  • risques : peut faire décrocher un public généraliste et faire trop « média centric »; difficulté à se renouveler au bout d’un moment
  • atouts : effet de surprise sur chaque émission, à chaque fois nouvelle et forcément étonnante
  • bonus 2.0 : moteur à reprises virales sur les réseaux sociaux, via de courtes séquences vidéos.

5/ l’ultra géo-loc

Le pitch : selon l’actu du moment, l’émission se déporterait chaque jour dans le lieu de l’actu en France. Elle débuterait par un planisphère à la Googlemaps, zoomant sur le lieu du jour. L’animateur commencerait chaque émission par une même ritournelle : « L’actualité du jour, ce mardi XX janvier 2015, c’était à Bercy. Notre plateau est installé ce soir dans le hall du ministère… ». A chaque fois, les invités seraient uniquement en fonction du lieu.

  • risques : organisation logistique ultra tendue et impact budgétaire
  • atouts : révéler des « envers du décor » et lieux de pouvoir méconnus des Français; jouer la carte de la proximité (contraire au parisianisme souvent reproché sur cette case)
  • bonus 2.0 : parler de l’actu tout en faisant une info originale, puisque sur des rdv pas prévus. S’appuyer sur les outils de géo-localisation pour attirer de l’imprévu.

6/ le digest culturel

Le pitch : en apparence neutre, mais à booster sur un nom qui claque à la « Lu-Vu-Su-Cru », une émission qui parlerait d’un livre/article/blog du jour (Lu) et un seul, d’un spectacle ou film (Vu), d’une info majeure (Su) et d’une rumeur des réseaux (Cru). Conducteur et déroulé très cadencés, à la limite du coercitif et donc peut être en réduisant le temps de l’émission LGJ. Pas de place pour les débords et le « gras ». C’est un digest magazine de la journée, en mode hebdo socio-culturel rythmé.

  • risques : manque de spontanéité
  • atouts : potentiellement préparable en amont, très aisément incarnable en design et habillage
  • bonus 2.0 : pourrait se compléter par quelques thèmes secondaires « Bu » (chroniques gastronomiques), « Pu » (citoyennes), « Mu » (générationnelles), « Cu » (no comment), etc. Et aussi des mises en forme numériques : édition iPad boostée aux contenus en ligne.

7/ le break fun

Le pitch : surprise, grosse découverte ? en fin de journée, les Français ont surtout envie… de se détendre, d’oublier leur tracas, point. D’où les succès d’Hanouna sur D8 ou Canteloup sur TF1. Du coup l’émission se nommerait « La Grande Déconne » ou « OSM : On se marre » ou mieux « Rires & Co ». Elle dresserait la check-list de tous les moments de rigolades de la journée, discipline par discipline, en leur attribuant des Prix formels. Elle enverrait aussi dans la journée des « experts en rire » sur zones, pour apporter un angle marrant aux actus lourdes et anxiogènes. Esprit caméras cachés bienvenu à dose de Maxime MusquaThomas Séraphine, ou encore l’iconoclaste Vinvin  !

  • risques : le défaut de son atout, car on ne peut pas rire de tout avec n’importe qui…
  • atouts : fort potentiel de buzz et de viralité sur les réseaux sociaux
  • bonus 2.0 : émergence de talents nouveaux, notamment sur les tournages terrain et ou à collecter via les réseaux sociaux existants ou sur une plateforme propre à créer.

laurent dupin canal grand journal[MaJ 3/12 :] le sujet fait gloser, y compris en interne, tant mieux ! Pour Virginie Spies sur l’Obs, « l’émission est bonne », alors que Konbini l’a dit « finie » et que Rue89 la voit qui « coule ». Une conviction : le sujet est sensible, touchy, et sans doute de façon totalement disproportionnée par rapport à sa réelle importance. Pour avoir assisté déjà en invité à l’émission, elle souffre surtout de son aspect « citadelle », un peu renfermée sur elle-même. Un fonctionnement nécessaire pour assurer sa logistique, mais qui peut aussi se retourner contre elle. Le Grand Journal (à cette époque, mais je pense que ça n’a pas changé depuis) agite en coulisses, autour, dans les travées, tout une cour crépitante. Des fats, des importants, des techniciens speedés… « That’s tv ! ». On relira à ce propos le dossier publié en juin 2013 dans LesInrocks.

Emission ingérable ? Je revois encore de Caunes, croisé alors en position d’invité courant saison 2012-2013, exécuter entre les prises une sorte de mini audit personnel de la dernière mouture Denisot : « quel bordel », « ça manque de proximité », ou encore « ça va, vous y comprenez quelque chose ? » (en se retournant vers le public). Il bouillait sur place de se lancer, ça se voyait. L’émission était alors tournée « à l’envers » -d’abord la fin ensuite le début- et on lui reprochait son côté trop haché. Tout ce que de Caunes dira d’ailleurs ensuite dans la presse, pour amener sa vision personnelle de la chose et d’un anchorman plus souple. S’est-il sur-estimé ? L’époque a t-elle changé plus vite ? Ou les deux en même temps ?

6 réflexions sur “Remplacer Le Grand Journal ? Mes 7 propales à Canal

  1. Le Grand Journal n’est ni un Journal, ni vraiment Grand. Et on a beau faire, prendre des personnes 20 ans plus tard pour renouveler le genre, ça ne fonctionne pas.
    Ce sont 7 idées très intéressantes. Mais si on veut vraiment dynamiter le truc, il ne faut pas remplacer un pour un. Je dirais plutôt un par plusieurs. De toute façon, LGJ est déjà une série de pastilles entrecoupées de pubs et d’applaudissements, qui verra la différence ?
    Le Petit Journal fait déjà de l’infotainment, il faut lui laisser. Canal sait faire d’autres choses. Soit du vrai journal, soit de la série française en prime (et pourquoi pas ? avec du budget conséquent et de vrais moyens mis sur les scénaristes et dialoguistes, pas juste un casting), soit un magazine mais autre chose qu’un talk.
    Le décalage aux heures de grande écoute, c’est compliqué de toute façon. Le Journal des bonnes nouvelles de Karl Zero n’a pas réussi, par exemple.
    Confidence pour confidence : le web social et la télé, c’est pénible (euphémisme). Je n’ai pas envie de partager mes plateaux télé avec toute ma timeline et mes amis Facebook, ni d’assister aux leurs parce que concrètement je n’en ai absolument rien à fiche. Si les médias sociaux deviennent des caisses de résonance pour les grands médias mainstream, je ne vois plus l’intérêt d’y être. Quelle typicité ? Quelle particularité ? D’ailleurs, tu remarqueras que je commente ici 🙂 Si j’allume l’étrange lucarne pour voir quelque chose en direct, et c’est de plus en plus rare au point que j’aie assez de doigts pour compter les fois par mois sur une seule main, ça n’est pas pour être par ailleurs connecté à autre chose. C’est un temps privilégié. Alors si la télé veut me capter, elle n’a pas intérêt à me sortir les gazouillis des fans de l’émission ou à m’inciter à utiliser le mot-croisillon idoine : l’onanisme autocélébrant 2.0, merci mais c’est sans façon.
    Je vais faire une proposition originale. Arrêtons les émissions en public où ce dernier ne sert qu’à faire du bruit. On ne va pas se mentir, ça fait bien, mais c’est horriblement artificiel et ça n’apporte rien. Les émissions d’Ardisson regorgent de public pour lequel le premier rang et les zones autour du cadrage des invités sert de vitrine. Dommage pour lui, ce sont toujours les mêmes d’une émission à l’autre et ça se voit. Ce sont souvent de jolies jeunes femmes (merci sexisme, on est en 2014), et oui, elles sont castées. Et alors ? Alors rien. Ce sont des ornements de salon.
    Virons le public qui ne sert à rien, ou alors faisons-le participer VRAIMENT. Oui, c’est incontrôlable. Mais c’est aussi ça, un grand moment de télévision. Quand tout est lissé, où se trouve « l’esprit Canal » ?

    1. Hello Eni. Merci pour ton commentaire nourri ici. Je te rejoins finalement sur l’idée « d’exploser » la case, en fait de cesser avec ce format « talk de soirée à public de décoration ». La piste d’une fiction me semblerait la plus intéressante aussi… ou une 1/2 fiction ? Dans les années 90, j’avais fait un « casting » pour une émission d’M6 qui était censée être « culturelle » tout en faisant évoluer des personnages propres. Une sorte de show écrit, façon second degré, mais faisant passer des infos réelles. A voir si le public d’aujourd’hui est open à ces pistes.

      L’idée d’un public qui participe vraiment est très tentante aussi, mais elle a été déjà tentée par Ruquier sur la même case, et ça avait foiré. Je crois qu’il faudrait un truc vraiment pas prévu, limite sub-culture. Mais peut être plus tard dans les grilles, car 19h-20h c’est un peu casse gueule pour tenter ça non ?

    2. +1000 pour arrêter avec le public. En tout cas pas visible. La plupart des talks US type Daily Show ne montrent pas le public mais sa présence se ressent. L’inverse de nos émissions en fait…

      1. Une émission où le public prend (vraiment) le pouvoir, ça, ça serait disruptif. Mais couillu à écrire et gérer.

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