On en est tous là. Le flip intégral des chiffres du Covid qui montent qui montent (on parle de 100.000 contaminations/jour désormais), les dernières courses quand même pleines de monde dans les rues… que tout ceci est fou et contradictoire. Qu’est-ce alors que « l’esprit de Noël« , ou « le temps de Noël » ? J’exaspérais la mère de mes enfants il y a longtemps avec cette expression, car pour moi Noël ne se limite pas à décembre, mais englobe une vaste période de novembre à janvier, qui devrait laisser le temps de ne faire qu’une seule chose : profiter de ceux qu’on aime et sourire.
Il y a quelques années encore (2016) temps de bascule violent, j’étais allé explorer sur ce blog les Noëls du passé, et ce que j’y aimais comme enfant. Ca ne suffit plus cette fois, ça ne me nourrit plus assez j’avoue.
Le contradictoire j’y reviens. C’est le thème de cette année 2021 pour moi, qui ne me permets pas de profiter de la fête de Noël tout à fait. Certaines vérités humaines s’imposent ces temps-ci que je ne comprends pas malgré toute mon ouverture et mon envie d’apprendre. Comme d’aimer, de le dire et de ne pas partager de moments ensemble. Comme d’être une famille (proche ou élargie) et ne pas cultiver ces liens simples et évidents dans chaque moment que la vie nous offre. Comme de toujours tout compliquer quand tout pourrait être si simple. Sait-on tous bien que la Grande Horloge tourne, le Grand Sablier s’écoule même décoré des couleurs de Noël ? Tempus fugit… en RH on dit souvent que l’on a pas deux fois l’occasion de faire une bonne première impression. Dans la vie familiale, amicale et sentimentale aussi et pour toutes impressions d’ailleurs, premières comme suivantes. On ne rattrape pas toujours ce que l’on a loupé et abîmé, les mots durs qui nous échappent. Je repense à cette image échangée il y a peu sur FB : elle montrait une feuille de papier vierge et nette (la vie, l’amour, la famille) puis après la même feuille froissée. Impossible de remettre celle-ci dans son état originel une fois le froissage accompli. C’est ainsi qu’on le veuille ou non. Et aucun fer à repasser au monde n’y parviendra. Notre technologie a ses limites. Noël peut-il alors nous offrir de nouvelles feuilles vierges et belles pour y écrire de nouvelles pages de notre vie ? Oui bien sûr. Ca devrait même être la première commande en ligne actuellement ! Des ramettes de papier de vie par tonnes s’il le faut.
Nous avons cependant en tant qu’espèce cette faculté absurde à ruiner nous mêmes nos capacités, notre bonheur, notre chemin. Le monde animal n’a pas cette préciosité et tant mieux pour lui. Ok ils n’ont pas non plus le wifi, Patrick Hernandez et les Mon Chéri. Plus sérieusement, notre côté cérébral ruine le sentimental, l’instinct, le naturel. Nous sommes porteurs du Beau (nous l’avons même défini et théorisé) et nous tombons systématiquement dans le Noir, le Flou… nous déconstruisons plus que nous maintenons nos fondations, nos bases, nos acquis. Pourquoi ? Je ne sais pas du haut de mes 50 ans. Je rentre dans un âge où l’on commence à voir les autres autour et plus jeunes reprendre les mêmes chemins, refaire les mêmes erreurs. Invariablement. C’est à la fois rassurant (on se dit qu’on était pas si nul lol) mais aussi très désespérant (le côté vieux con). Comment faire passer les messages à tous ceux ci ? Comment leur dire ? Il ne le faut pas, ils se feront leur propre expérience. Ils en ressortiront comme moi, nous… avec des joies, des peines, des souvenirs et des cicatrices. Des regrets aussi notamment à Noël : profitons tous de nos anciens, de nos enfants, de nos amours… invitons les à notre table, au coin du feu, le plus près de nous. Car un jour tout ceci s’arrêtera et nous serons seul. Je sais, je sais… je plombe l’ambiance.

Cohérence. Un constat me vient : au moment où nous pianotons tous chaque jour frénétiquement pour regarder des vidéos rigolotes ou des « zoulis » films (sur Netflix, Youtube, Tik-Tok ou ailleurs) à base de Père Noël et de bons sentiments, au moment où nous recherchons la magie et le merveilleux dans le moindre acte consumériste stérile… pourquoi ne sommes-nous juste pas capable de le vivre en nous et autour de nous ? (amen) Pourquoi cette chaleur est-elle si difficile à cultiver dès que nous sommes plusieurs ? Nous voulons satisfaire chacun mais nous ratons tout le monde et notamment ceux qui comptent vraiment. Combien de maladresses et blessures juste nées du rythme de vie frénétique de notre époque et de notre boulimie à tout vouloir, tout et son inverse. Quelle (douce) folie.
Noël pour moi, vous l’aurez compris, est un révélateur. Imparable. Faites le test autour de vous. Regardez qui pense réellement à vous, qui en a le temps, qui a un geste cohérent, altruiste et non pas individualiste et égoïste. Comme moi vous compterez ces personnes sur les doigts d’une main, peut être deux dans le meilleur des cas. Comme moi vous saurez là à qui vous avez affaire et comment surtout se comporter soi : sommes-nous toujours ce que nous attendons des autres ? C’est ça Noël. Nous devons impérativement nous fixer la ligne de la réciprocité ou au moins de la réactivité, du partage. Sinon quel sens à cette fête qu’un vieux air de Sinatra creux et fantomatique sur des grelots ?
Mon humeur dernièrement m’a amené à des chansons douces et tristes… mélancoliques ? J’assume alors. Et c’est Sheller (photo) dans lequel je me suis tout à fait retrouvé. D’abord dans le bonhomme, son côté là mais de biais, son élégance, sa tristesse souriante… ça me parle. Et son « Oh j’cours tout seul » qui me résonne depuis tout petit. Une chanson écrite « après un cauchemar » avait-il un jour expliqué sur scène. Mon sort, ma famille, ma sensibilité m’ont comme condamné à cette solitude et cette différence : je me sens entouré certes mais seul aussi, avec les autres mais différent, en sociabilité mais coupé… et je ne sais pas où me mènera cette course. A « la nuit noire » finale que le texte cite ? Le plus tard possible alors, ou bien en l’exploitant comme ici dans l’écriture. Autre titre de Sheller redécouvert grâce à une pub, très évident à Noël : « Un endroit pour vivre« . notamment ce passage : « On m’a bandé les yeux avant que j’ai vu l’chemin. On m’a jamais dit viens on m’a dit va où tu veux. Mais j’déambul’ tout bas gentiment inutile. J’aim’rais fair’ quelque chos’ pas forcément facile. J’voudrais pouvoir te dire j’ai un peu vécu pour toi« . Un texte fort qui dit si joliment ce contradictoire de nos vies… et ce besoin un jour, enfin, après tous les échecs et les erreurs, de se poser vraiment. De cesser de courir justement.
Se poser en un lieu, dans un milieu, dans des bras. Je vous souhaite à tous de trouver cette sublime trilogie et d’en jouir jusqu’à la dernière lampée en ce réveillon du 24 comme dans tous les jours qui suivent. C’est ça l’esprit de Noël, et ce qui nous rend si humain. Pour le reste, profitons du sapin, des cadeaux, du chocolat et du jazz et des crooners si vous aimez. Moi mon coeur sera écartelé ce soir entre mes anciens perdus mais bien là, mes parents si proches, mes fils pas avec moi ce soir, et un love feeling envoyé dans les dunes à plus de 7000 km. Un Noël en 3D en somme ! Voyons le positif où il se niche ce petit diablotin… life goes on.