Le film trèèèèèèèèèèèèèèèèèès attendu, le bien codé Bond 25, au titre final de « No time to die » aurait pu être un chef d’oeuvre. Celui de l’ère Craig (5 films), celui de la saga (25 donc), celui du réalisateur (Cary Fukunaga) et celui d’une ère nouvelle à venir. Au lieu de quoi, on obtient un compromis mou, très mou, sur ce qu’aurait du être cet opus d’anthologie, vu en prime le temps de réalisation, de production et de post-production dont il a anormalement bénéficié à cause de la pandémie du Covid-19.

Pour autant, les défauts sont nombreux et laisseront tout fan un peu aguerri et exigeant sur sa faim : globalement, on a l’impression d’assister à un sous « Skyfall » dont le réalisateur n’aura repris que le sens de l’esthétique, du geste bondien, du climat… sans proposer un scénario béton et ni même une vrai film d’action qui dépote. Ce film reste dans l’entre deux permanent, comme une sorte de paresse.
Au-delà de cet aspect global, plein de détails clochent donc, qui exaspèrent quand on y réfléchit à deux fois et vu le budget du film (environ 300 millions de dollars) :
- un vilain sous utilisé : je classe l’argument en premier, car c’est sans doute le plus décevant pour de multiples raisons… On attendait le personnage de Safin car il est joué par Rami Malek (acteur en vogue depuis le biopic sur Queen) mais est très peu exploité, à peine esquissé. On devine une histoire terrible (la mort de sa famille, son propre traitement pour s’en sortir), qui aurait mérité quelques scènes additionnelles. De même son univers (sa base) est trop peu détaillé, juste posée dans de vieux locaux nucléaires coréens… sans envie, sans effort de décorum.
- une copine sur-utilisée : ok James il tombe amoureux et procréé cette fois mais bon l’actrice française Léa Seydoux semble comme effacée dans ce Bond… moins sexy, glam, engagée. Honnêtement, sans jouer le sexiste primaire, elle a aussi quelques petits kilos en trop qui n’y font plus croire du tout. Tout ceci aurait dû être affiné : son rôle comme sa silhouette.
- une remplaçante brute de décoffrage : la nouvelle 007 (jouée par Lashana Lynch) est rude, âpre, méthodique mais bon… où est la classe, l’élégance bondienne, voire même ne serait-ce que la joliesse ? Son rôle n’est pas assez travaillé non plus, on ne comprend pas vraiment la complémentarité du duo sur le terrain… Dommage une actrice plus fine aurait pu apporter un peu de légèreté à la personnalité déjà bien pitbull de Craig.
- une collègue/copine sous exploitée : l’agent de liaison cubaine joué par la très bien gaulée Ana de Armas, torride en apparence et en action, reste une belle esquisse. On la devine le temps d’une rencontre en soirée, d’une bagarre épique, et puis basta. Elle dégage la miss espionne, alors qu’on aurait aimé la retrouver dans les bras de Bond ou pourquoi pas de quelqu’un d’autre ? Et déjà dans d’autres scènes.
- des assistants à peine brossés : enfin on entre dans la vie aseptisée de Q (le chef techno geek du MI-6 finement joué par Ben Whishaw), et on devine qu’il est gay… mais on ne montre rien du tout. Une scène ici eut été hilarante : par exemple si son boy-friend était réellement venu chez lui, y rencontrant Bond et Money Penny, avec par exemple une conversation à deux niveaux… N’importe quel script sorti d’école de cinéma aurait eu cette idée !
- une scène d’ouverture molle : l’option d’ouvrir sur un flash-back historique n’était pas si idiote pour varier… mais quelle lenteur ! On reconnaît la touche de Fukunaga à soigner l’image et la pose de contexte, au détriment d’un bon coup de speed et d’adrénaline côté action. On s’endort d’emblée, et il faut attendre l’après générique pour commencer à s’énerver.
- un générique daté : et même avant cela donc, la chanson de Billie Eilish, déjà pas très nerveuse ni excitante en soi, est plaquée sur un clip d’ouverture d’une platitude d’animation absolument sans égal ! On dirait une pré-étude mal dégrossie et oubliée dans un tiroir. Rien de comparable avec les 4 précédents brillamment réussis.
- un contexte d’actualité sous évalué : Bond 25 a été retardé à cause du Covid-19, le film parle d’arme de contamination massive… mais bizarrement on en reste là. Il est évident qu’un peu plus de lien avec l’actu chaude du moment dans la vraie vie eut été plaisant, et aurait redonné de la crédibilité au scénario. Il aurait suffi que le méchant (Safin) nous fasse une tirade sur son motif principal. Mais ça reste brumeux.
- des gadgets déjà vus : l’Aston blindée, ok; l’engin volant polyvalent (avion et submersible), ok. Mais quid d’une vraie technologie révolutionnaire en 2021 ? Les Bond de Craig calent sur ce plan depuis le début, ayant opté pour le low profile techno au profit des gros muscles et de la baston old school… Dommage, c’est une partie du trip bondien à réveiller désormais.
- un chef au placard : ou plutôt au bureau… M redevient un technocrate alors qu’on l’avait judicieusement sorti de son fauteuil cuir aux deux épisodes précédents, notamment « Skyfall ». Pourtant Ralph Fiennes est encore jeune, la preuve il reprend de l’active physique dans… un autre film d’espion/baston, « King’s Man Première mission » à sortir sous peu. Là on aurait pu imaginer que la fin de SPECTRE aurait du le faire bouger, aller aider Bond au lieu de juste se demander « Mais bon dieu où est-il ?«
Bref, en résumé, tel un bilan de mission de James Bond sur le terrain : « No Time To Die… terminated« . Sans doute l’option Danny Boyle écartée dès l’été 2018, eut été une meilleure recette. On ne le saura jamais. On attendra donc au moins 2024 ou 2025 pour reprendre la franchise de façon enlevée et pertinente. La page est blanche à date.