Après avoir vu ici comment se lancer dans le métier (partie 1), je vais vous parler des débuts dans la profession de journaliste. Toujours à l’appui de ma propre expérience, non pas pour « me la ramener » mais parce que c’est ce que je connais de mieux, ainsi que ce que j’ai observé autour de moi durant 20 ans d’exercice du métier. Ces textes donnent suite à une interview donner à l’association Aeri Orléans et publiée sur son compte Instagram.
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Apprendre, créer, avec ouverture d’esprit
La presse a cela de magnifique qu’elle permet de continuer à apprendre… toute sa vie. La PHR/PQR notamment a cette faculté de vous faire découvrir le fonctionnement de la démocratie locale, d’une communauté humaine en partant de la plus petite unité de référence connue (la ville, le village, le quartier) et tous ses acteurs y ayant un rôle. Je me souviens souvent m’être dit « je peux descendre cette rue et dire ce qu’il se passe derrière chaque façade, porte ou presque… car j’y ai fait des reportages« . D’autres métiers transversaux ont bien sûr aussi cette même faculté (assureurs, banquiers, policiers, médecins…) mais je ne pense pas avec autant d’angle de vue à 360 degrés. Une année calendaire dans la presse, vécue dans n’importe quelle agence locale (écrite, tv, radio, web) aura cette faculté.
Un peu moins vrai depuis la montée en puissance du journalisme d’écran… allant moins sur le terrain, encore que la curiosité peut aussi s’exercer via écran multimédia, il suffit de le vouloir. Et de se donner une discipline de fer : je revois encore mon RC à ZDNet.fr, Philippe Leroy, nous redire sans cesse « pas de papier publié si vous ne passez pas au moins un coup de fil de vérification et échange« .
L’interlocuteur local
La PQR vous rendra donc polyvalent, capable d’écrire sur tout ou presque. Vous passez en une semaine du concours du saucisson à l’ail à la séance de conseil municipal, en bifurquant par une grève à l’usine locale d’une grande marque mondiale, l’interview d’une postulante à Miss France et enfin une rencontre avec un acteur de cinéma en tournée ! Il n’y a pas plus formateur pour exercer sa plume, aiguiser sa curiosité, et apprendre encore et toujours.
Seule limite à l’exercice : l’usure naturelle qui arrive au bout d’un moment à répéter les « marronniers », les calendriers et rdv similaires, mais qui forcera aussi à trouver de nouveaux angles, de nouvelles approches, à se réinventer. C’est encore un précieux enseignement réutilisable ailleurs, sous bien d’autres formes. Et puis quand l’usure se fait trop pesante, c’est qu’il est temps… d’aller voir ailleurs notamment quand l’on est jeune. La presse est un secteur de grande mobilité, où il faut aussi avoir l’esprit explorateur.
Et puis vous devenez peu à peu… une « notabilité » locale au même titre que le maire, le curé, le notaire, le grand patron, etc. Votre pouvoir (de nuisance) est réel, en appartenant de surcroît à la caste des professions dites « intellectuelles » (profs, artistes…). Attention cependant : là aussi ce rôle est très chronophage notamment en presse locale, les gens vous croisant dans la rue ne sachant pas par exemple que vous êtes… en relâche ou en week-end ! Il faut vite apprendre à dire « non ».
La nécessaire spécialisation
Au bout d’un moment à avoir fait vos classes de généraliste de l’info, de drogué à l’actu… il se dessinera peu à peu une appétence, un tropisme, un goût plus prononcé pour tel sujet ou tel sujet. N’en ayez pas peur, car souvent il sera cohérent avec votre parcours d’études antérieures et/ou votre personnalité. Exemples courants : l’ex étudiant en droit passé par une locale, qui progresse comme chroniqueur judiciaire dans les pages régionales. Ce peut être aussi l’ancien joueur de rugby qui va s’orienter dans la presse sportive écrite pour ensuite pouvoir suivre les championnats majeurs de sa discipline en télé nationale, etc, etc.
La spécialisation peut intervenir aussi sur des compétences techniques : dans mon cas, mon goût du multimédia m’a souvent amené à être capable de produire des audiocasts, vidéos, docs webs en plus des rédactions d’articles de base. Attention cependant : n’en faites pas trop, car tout ceci est très chronophage et nécessitera également des formations complémentaires pour les optimiser. Il faudra aussi songer tout bêtement à mettre à jour votre contrat d’embauche : les patrons de presse sont très forts à vous faire faire plein de choses, sans forcément « upgrader » le salaire.
Les premières responsabilités
C’est LE grand choix à faire pour les journalistes afin d’avancer dans leur carrière et aussi de gagner plus de sous : rester sur le terrain, ou devenir manager. Deux voies distinctes et souvent parallèles, qu’il faut savoir apprécier au bon moment, c’est à dire pas trop tôt, dans un métier où l’on vous dit souvent « senior » dès les 35 ans. La prime à la jeunesse, comme le montrer aujourd’hui des équipes éditoriales façon Quotidien sur TMC. Sur la première voie, la consécration se nomme par exemple « grand reporter », forme d’aristocratie du métier, qui donne aussi une grande liberté d’action, notamment en presse magazine : je revois encore de tels journalistes par exemple croisés au magazine économique l’Expansion, passant d’un reportage terrain en Russie à un dossier sur tel ou tel secteur, menant des interviews de duo avec le RC pour un futur candidat à la présidentielle… ça donne de suite de l’adrénaline !
Sur la seconde voie, c’est le Saint Graal du poste de rédacteur en chef, et ses étapes antérieures : chef de rubrique, chef de service, rédacteur en chef adjoint, etc. Les grades sont nombreux et propres à chaque média mais un fait se vérifie : plus on grimpe dans le management moins on fait son métier, au sens puriste du terme. Et en prime dans un temps où la gestion des médias est devenu un véritable casse tête avec beaucoup de pressions à gérer, dans un contexte socio-techno-économique tendu. Futur RC, il vous faudra aussi quitter « Word » et les « CMS », pour d’autres logiciels : « Excel » (chiffres, compta) et « PowerPoint » (prez de patron).
NB : à suivre, partie 3 et finale, sur… l’après journalisme