Rapide debrief de la soirée de vendredi dernier, aux côtés de Loïc Richer et Benjamin Morin, pour co-organiser l’afterwork Neufdixsept, au Venezia du Mans. Déjà, la bonne impression saisie sur le vif d’y croiser des profils si variés, résultats de parcours personnel et professionnel riches, pas toujours linéaires et jouant tous à leur manière sur le terrain du numérique. Qu’il s’agisse d’une start-up, d’une nouvelle formation numérique, d’indépendants ou de responsables informatiques en entreprises. Le fil rouge entre tous, c’est bien cette culture numérique permettant de passer d’un échange sur les dernières méthodes de développement, à une discussion sur le management agile, tout en faisant un point sur les services en ligne pertinents. Le Mixer en somme !
En concis, j’y ai exposé pour ma part une réflexion préparée pour ce rendez-vous, que je re-développerai ultérieurement. Cela parle de ce mouvement, qui m’est propre mais me semble général, d’enrichissement du sujet au-delà du seul prisme « techno ». Nous sommes en effet passé des médias numériques (2000-2004), aux médias sociaux (depuis 2004), pour en venir à une notion bien plus complexe : celle des cultures numériques.
Gérer la culture générale numérique
Culturel est en effet le mouvement de développement puis de déploiement de solutions de gestion et de communication de plus en plus étoffées dans les organisations, mais qui nous voient butter sur ce simple constat pratique : il faut savoir les utiliser, s’y mouvoir et s’y exprimer… toutes en même temps et pour nous tous. 140 signes de tweet (ou 280 depuis fin 2017), 5 lignes de mails, 10 lignes de rapport dans un logiciel de gestion… un fil rouge est bien présent entre toutes ces interfaces en prime superposées, redondantes et chacune avec leurs codes de comportement propres. Comme ex-journaliste, puis blogueur, puis formateur en communication digitale et finalement enseignant… j’ai bien saisi ce que la « pensée en mode numérique » apporte et a d’exigences. Cela remet en relief de plus vielles notions parfois oubliées dans la précipitation ou la paresse : savoir vivre, savoir être, sens de la communication et de l’empathie, parité de l’échange… Les écrans et connexions temps réel créent finalement plus de proximité entre nous, entre « animaux sociaux ». Nous sommes chacun en face des autres, immédiatement, massivement.
Accepter aussi qu’aujourd’hui, pour nombre de jeunes connectés, même une recherche Google ou un mail sont des médias « vieillots »… et les livres des documents dépassés. Leur repère culturel ? Si ça n’existe pas dans Netflix, ça n’existe pas tout court. Ou alors, c’est moins intéressant. Si ça n’est pas visible sur Youtube, ce n’est pas sexy… images et sons y étant pour eux nativement liés. Peu importe les fautes d’orthographes pour s’y exprimer, car seul compte le moment et son intensité. Il faut s’y faire, quand on a connu autre chose !
Gérer le temps sur le numérique
Culturel est aussi la gestion de plus en plus complexe de nos vies et de leurs temps. Temps de travail, de loisir, de famille, de respiration… où les écrans et les inputs sont de plus en plus invasifs, permanents, spontanés. En décrocher est quasi impossible. Mais apprendre à gérer ce rythme et la pertinence (ou pas) d’y intervenir est un enjeu très clair. Aucun logiciel ne nous y aidera, aucun process ne le simplifiera. Cela relève désormais d’une éducation à une citoyenneté 2.0, dont on mesure aussi les difficultés comme parent (faire décrocher ses ados de leur smartphone), enseignant (idem, mais à plus grande échelle) et manager (gérer le temps de concentration au travail)… Cela nous engage tous d’ailleurs, pas seulement en position de responsable, mais aussi dans nos implications associatives, initiatives de terrain, projets personnels, etc. comme l’illustre depuis des années sur Le Mans et ailleurs, l’ami Loïc Richer (photo ci-contre).
La plupart du temps, nous ne voudrions pas des us « technos » que nous imposons pourtant aux autres, sans nous en rendre compte. Alors oui, je range mon portable dans ma poche quand je passe à une caisse, pour parler à la personne en face de moi, en la regardant dans les yeux; oui, je me déconnecte le soir quand je suis à table, pour parler avec ma famille, intimement; etc, etc. Ce que l’on a un peu vite appelé la « digital detox« , assez radicale dans sa forme, n’est en fait qu’une nécessaire pédagogie technologique. En ce sens, la création du Capes informatique par l’Education nationale, serait un premier pas concret, complétant à un autre niveau, toutes les écoles et formations véloces du numérique, à l’image de l’Ecole 42. Et si la technique c’est top, penser cette technique, quasi philosophiquement, métaphysiquement, ça nous manque encore cruellement. On a plus jamais besoin de penseurs de la modernité, pas de simples revendeurs.
Gérer l’ouverture par le numérique
Culturel est enfin ce que le numérique, le web et l’informatique ont permis au fil du temps. La mixité, le partage, la co-construction des données est aussi, in fine, celle des intelligences et des démarches. Et il n’est pas donné à tous, d’accepter ce défi d’ampleur ! Il est tellement plus facile de rester sur les anciens schémas, hiérarchiques et mentaux, aboutissant à des solutions binaires en entreprises, comme dans la vie courante.
Cela pose une vraie question, fondamentale, à l’heure où nos démocraties vacillent ou tout du moins doutent d’elles : comment vivre dans un monde en permanence… connecté, changeant et potentiellement améliorable ? Ca parait idiot à le poser ainsi, mais pas tant si l’on y réfléchit plus à fond. On se plaint d’un Donald Trump tweetant maladivement, mais on reproche aux autres politiques de ne pas être assez sur les réseaux sociaux… On râle sur les fakenews, mais on adore Le Gorafi depuis 2012, qui s’est fait leur chantre… Alors il faut savoir ce que l’on veut. Et revoir cette couverture mythique du Time (ci-contre), tant et tant de fois exposée en formations au digital, montrer ce « You » dans le miroir-écran d’un ordinateur. C’était en 2006, soit il y a 13 ans… une éternité. Mais aussi l’âge de raison et d’une première adolescence, se vivant cahin caha, mais permettant d’avancer, entre selfies tout azimut, I.A menaçante, smartphone doudou et applications ludiques débridées.
Cette culture du numérique doit plus que jamais prôner (et enseigner) une démarche de création active et multimédia, plutôt qu’une posture lascive de consommateur passif et soumis. Elle dépendra plus que jamais, demain, de pouvoir aligner les astres d’une toute nouvelle galaxie : le travailleur connecté, le citoyen sur-informé et l’être sensible tout le temps stimulé.