Mon 11 septembre 2001

Un concert de sonneries et bips de téléphones, un mouvement de foule. C’est ainsi que j’ai appris ce qui se passait, le 11 septembre 2001. J’ai du déjà le raconter un peu sur un autre blog, sur la plateforme 20six, mais celle-ci n’existe plus depuis. Alors je témoigne à nouveau, parce que c’est utile, parce que ça m’est nécessaire. A l’époque j’étais journaliste high-tech, travaillant à Paris pour le CXP. Cet après-midi là, j’étais en déplacement sur Paris centre, au Carrousel du Louvre, avec quelques consoeurs et confrères. Je venais y couvrir un forum de Fujitsu-Siemens, sur l’informatique d’entreprise. Nous étions plusieurs centaines là, réunis dans un auditorium. Et soudain, les voix se taisent, la table ronde s’arrête net, les conférenciers saisissent leurs téléphones portables, nous faisons de même… tous crépitent et chauffent.

L’image choc et repère mémoriel de cette journée…

Nous sortons alors dans le hall principal, un peu hagards, entre tables à café et petits groupes réunis. Même les serveurs ne servent plus rien. On se dit tous que quelque chose de grave se passe, mais où, quoi ? Mais des mots surnagent des conversations alentours : New-York, attaque, terroristes… Puis je reçois rapidement un appel de Valérie, ma femme alors (nous sommes divorcés depuis), qui me dit juste, presque speed : « regarde la télé, les tours jumelles sont attaquées« . Elle est prof, elle travaillait ce jour là, à ce moment là, chez nous.

Canaux d’infos sous tension

A partir de ce moment, le trip puissant, effarant, hors de tout prends le pas. Je rentre à ma rédaction en métro, où mes collègues sont aussi scotchés que moi sur les news en ligne, leurs téléphones, la télé… Je suis comme pressé de rentrer, d’éviter au maximum les foules et lieux d’attroupement. On ne travaillera plus pour ce jour-là au bureau. On ne le pouvait pas.

Il faut imaginer que nous sommes alors 2 à 3 ans avant l’émergence du web participatif. Et notamment des blogs qui seront ces premiers réseaux sociaux… L’info en ligne est alors assez frugale, et pourtant déjà on avait bien l’impression d’être submergé par tous les canaux présents, que ceux-ci n’arrivaient pas à tenir la charge, à suivre ce qui se passait. Que cela les dépassait. Et nous recevions chaque « nouvelle » news comme un uppercut en pleine poire, une décharge électrique. L’effondrement des Tours, l’attaque du Pentagone, les premières théories du complot flippantes… On était sous perf’, impossible de se débrancher.

Qu’aurait été alors un 11 septembre vécu sur Twitter, Facebook et consorts ? Déjà certains derniers sms dévoilés des victimes prisonnières des tours, donnent une petite idée de la déflagration dramatique et émotionnelle que nous aurions reçue… Je me suis toujours demandé si Zuckerberg, Dorsey, Spiegel et les autres avaient réfléchi un jour, à comment préparer leurs puissants réseaux à affronter une telle crise. Si des plans d’urgence existent, avec des moyens dédiés, des process à appliquer. Et comment nous même réagirions dessus. On en a eu un aperçu depuis, avec les attentats de Paris, de Bruxelles et de Nice.

Peur dans les transports

Ce 11 septembre, je vais alors rentrer chez moi, par le train TER de la gare Saint-Lazare, me ramenant à Bernay, où je vivais alors en couple, dans une immeuble de résidence, sur une petite colline un peu coupée du centre ville de Bernay, entourée de verdure. C’est à dire très au calme. Nous ne sommes pas alors encore parents. Je me souviens très bien de mon état d’esprit alors, dans ce train, dont le temps de voyage (1h26 officiel) m’a paru interminable, au ralenti, chaque minute passant alourdie de peur et angoisse. Je m’étais assis, presque blotti sur ma place, contre la fenêtre, tête baissée dans mes épaules.

Bizarrement, je ne me souviens pas que nous ayons beaucoup parlé entre voyageurs. Tout le monde était pareil, trop abasourdi, anxieux, branché aux news. Et comme si chacun était soucieux de ne déranger personne. Je me souviens très bien aussi que tous regardaient la moindre personne avec un faciès d’origine arabe/oriental entrant dans le wagon. Que ces personnes étaient très mal à l’aise du coup. Qu’une tension dense, palpable, mais sans mot emplissait alors l’atmosphère et passait dans de courts regards. « Et si il en était un ? Et si ces attaques ne concernaient pas que New-York et des avions, mais toutes les grandes villes du monde, dans tous les transports en communs du monde ? » Je me souviens avoir fait l’effort, y avoir pensé (mais je ne sais plus envers qui) sourire à une de ces personnes, faire ce geste pour apaiser.

Nuit impossible

Arrivé à notre domicile, ma femme et moi n’avons pas décollé de la télévision. Les chaînes infos continues (françaises) n’existaient pas encore, sur le réseau hertzien, seul disponible avant l’ère TNT et boxs. C’est donc sur France 2 et TF1 que nous avions suivi, toute la nuit, les images de ce jour noir. Impression d’assister en live à un film catastrophe à la Hollywood, avec cascades et scènes de fin du monde en 3D immergée, sans fin ni fond. On se pinçait même pour croire ce qu’on voyait et revoyait en boucle, les détails sordides qu’on entendait. Notamment l’effondrement des tours. On avait mal pour chaque new-yorkais courant, pleurant, couvert de cendres ou mort. On avait mal à aller dormir, totalement énervés mais aussi comme gênés de se reposer quand d’autres souffraient ailleurs dans le monde, si loin si proche. « Nous sommes tous Américains » écrira quelques jours plus tard Jean-Marie Colombani.

Puis on avait relayé ensuite sur les radios, jusqu’au lendemain matin, jusqu’au retour au travail, non stop ou presque, en achetant un maximum de journaux pour en lire les enquêtes. Je n’avais aucune envie de repartir de chez moi, mais il fallut bien reprendre le train à Bernay, au petit matin. Cette même sensation collective de gueule de bois, de tristesse, de douleurs musculaires. Nos esprits et nos corps avaient mal. On avait toutes et tous le sentiment que le monde ne serait plus tout à fait le même après cela, on savait que c’était une date historique, au même titre que 1515, 14-18, 39-45 et autres. Mais personne n’imaginait ce qui allait suivre, et notamment cette rythmique terroriste à laquelle nous nous sommes habitués depuis dans toutes les villes du monde. Ce contexte qui a changé à jamais notre façon d’entrer dans un grand magasin, d’aller à un concert, de s’asseoir à une table de café. Puissent mes fils ne jamais connaître, ni affronter cela directement.

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